Historique de la désinformation

Le Pendule de Foucault d’Umberto Eco évoque la constitution d’un Plan pour la domination mondiale par les trois personnages principaux de l’histoire qui se déroule à Milan: Casaubon (le narrateur) Belbo et Diotallevi.

“ Nous, nous avons inventé un Plan inexistant et Eux, non seulement ils l’ont pris pour argent comptant, mais ils se sont convaincus d’en faire partie depuis longtemps, autrement dit, ils ont identifié les fragments de leur projets désordonnés et confus comme des moments de notre Plan scandé selon une irréfutable logique de l’analogie, de l’apparence, du soupçon. » (p 625)

Le faux, ou texte frauduleux, fictif, fait partie de l’ensemble plus large qu’est la désinformation. Les prémices de ce phénomène remonte à un écrit datant de 500 ans avant Jesus Christ : L’art de la guerre du chinois Sun Tzu. C’est le premier traité de théorie militaire, s’inspirant largement de la philosophie chinoise ancienne. Des philosophes comme Machiavel, ou Clausewitz reprendront certaines de ses affirmations. Selon Sun Tzu, gagner ou perdre une guerre ne se fait pas par hasard, ni par l’intervention des Dieux ou des esprits, mais il s’agit d’une question de méthode et de stratégie. Le chapitre XIII, qui traite des agents secrets, fait référence au renseignements, à l’anticipation :

« Or si le Prince éclairé et le général avisé défont l’ennemi chaque fois qu’ils passent à l’action, si leurs réalisations surpassent celles du commun, c’est grâce à l’information préalable. »

Cela ne va pas sans nous rappeler l’information et le renseignement par internet, qui se concentre sur des émetteurs d’informations comme Twitter, service de microbloguing permettant aux utilisateurs de poster un message de 140 caractère maximum. La veille, les réseaux sociaux, les cookies ou les moteurs de recherche sont des sources d’informations stratégiques.

Après Sun Tzu, les chinois ont continué à réfléchir sur des moyens opérationnels de gagner une guerre. En 1939, en Chine du Nord, un ouvrage à propos de l’immortalité et d’un traité de stratégie militaire est découvert, dans lequel on trouve des préceptes tels que le « piège de l’agent double » ou encore « assassiner avec une épée d’emprunt. »

A la fin du XIIème siècle, un auteur anonyme écrit Le livre des ruses, composé d’une bibliographie d’ouvrages d’auteurs arabes du VIIIème. Leur synthèse démontre le fait que la manipulation est une arme judicieuse et qu’elle permet de se protéger contre tous les dangers de cette époque. Certains titres de nouvelles comme « le faux renseignement », « la manière les nouvelles » sont un aperçu du contenu. Au Moyen-Age, les auteurs de la propagande sont nombreux, dont Robert de Basevorn, qui, en 1322, écrit un manuel de stratégie oratoire.

Il faudra pourtant attendre Machiavel, et son ouvrage Le Prince, pour établir les principes de la désinformation. Selon lui, le mensonge est nécessaire dans toute politique, « mais il faut » ecrit-il « cette nature, savoir la colorer et être grand simulateur et dissimulateur : et les hommes sont si simples qu’ils obéissent si bien aux nécéssités présentes que celui qui trompe trouvera toujours qui se laissera tromper. »

Au XXème siècle, la désinformation est avant tout militaire et politique. L’influence soviétique est notable. Cette époque a vu le retour en URSS de nombreux réfugiés en Occident, après avoir pris pour vrai le discours d’un fonctionnaire soviétique annonçant la faillite du communisme et une nouvelle révolution en cours. A leur arrivée, ils furent exécutés ou mis en prison. Une des conséquence fut encore que Jean Paul Sartre, Anatole France, ou encore André Gide aient véhiculés dans leurs écrits un état des lieux érroné de l’URSS.

La deuxième guerre mondiale à également été le théâtre de fausses rumeurs, comme de faux documents. La plus grande duperie, le plus grand « faux » de la seconde guerre mondiale a surement été l’opération « Fortitude » venant accréditer l’hypothèse d’un débarquement allié dans le Pas-de-Calais. Afin de tromper la surveillance Allemande, les anglais avaient construit de faux terrains d’aviation, remplis d’avions en bois, de faux camps, permettant de fait le débarquement en Normandie.

La désinformation prend divers aspects : des dérives sociétales, comme l’antisémitisme, au terrorisme, en passant par l’anti-communisme, le colonialisme et l’esclavagisme. Un des faux le plus souvent évoqué est à coup sûr Les Protocoles des Sages de Sion. Fabriqués à Paris par un faussaire russe Mathieu Gilovinski, sur ordre du tsar, le livre se compose d’articles rendant compte de réunions secrètes entre intellectuels juif.

Il s’agit en réalité du plagiat d’un pamphlet intitulé Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu rédigé par Maurice Joly, qui accuse Napoléon III de manipuler la population. Ce texte fut repris durant la propagande contre les juifs durant la seconde guerre mondiale. En France, ce faux à été jugé de « nature à causer des dangers pour l’ordre public en raison de son caractère antisémite » et a été retiré de la circulation.

Pierre-André Taguief, dans son ouvrage Les protocoles des Sages de Sion, ou le plus célèbre des faux antijuifs écrit pourtant qu' »avec internet, de nombreux sites le diffusent dans des langues diverses. L’histoire du plus célèbre des faux antijuifs est loin d’être terminée. » En effet, les médias sont de véritables outils de désinformation. L’imprimerie de Gutenberg, en 1530, à incontestablement favorisé une certaine forme de communication. Toutefois ceux-ci suscitent parfois des réactions irrationnelles et incontrôlées.

L’académie française enregistre le mot et propose ensuite une définition de la désinformation le 22 mai 1980, comme étant :

« Une action particulière ou continue qui consiste, en usant de tout moyen, à induire un adversaire en erreur ou à favoriser chez lui la subversion dans le dessein de l’affaiblir. »

 

Elle précisera le 21 Juin 1984 :

« Par extension, égarer volontairement l’opinion. On peut désinformer des téléspectateurs, des auditeurs ou des lecteurs, sans même qu’ils s’en rendent compte. S’emploie intransitivement Simuler ou dissimuler sont des procédés employés couramment pour désinformer. »

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